jeudi 8 mai 2014



«La passion et le désir qu’elle avait éveillés en moi tendaient avec force à une première fois, et que dans une telle tension vers cet objectif en tant que moment romanesque et qu’extase romantique, que toute sexualité antérieure m’apparaissait comme archaïque et vaguement hygiéniste, en tous cas dépassée. Je n’ai aucun souvenir de m’être masturbé en pensant à ce que serait un premier rapport avec Barbara, car j‘étais tout entier dans la préparation de l’acte lui-même, en grandeur réelle, avec sa dramaturgie sa gestuelle - sa chorégraphie - et son décor. Grâce aux lieux, aux circonstances, aux personnes, à mon emploi du temps, à l’organisation des journées, je savais que tout était possible et que, à côté de mon univers d’enfance, à côté des autos miniatures et de mon avion modèle réduit en balsa, il y avait une histoire vraie, à la fois échelle réelle et construite comme un roman, qui était ma relation avec Barbara et ce à quoi elle devait aboutir : je m’étonne encore de l’assurance qui était la mienne - aveugle et, de ce fait clairvoyante - et de la certitude où j’étais de parvenir à mes fins, car s’il m’arrivait de douter que mon avion en balsa, avec son moteur à éther, parvînt à voler correctement sans s’écraser au sol au moindre coup de vent ou à cause de quelques défauts de fabrication ou négligence, je ne doutais pas une seconde que Barbara s’ouvrirait à moi et que je pénètrerais en elle comme dans un milieu, un corps où, depuis toujours, j’avais su me mouvoir, nager ou voler. Le premier vol de mon avion en balsa me semblait beaucoup plus incertain que cette première plongée entre les cuisses d’une fille.»

L'Amant en culottes courtesAlain Fleischer. Éditions du Seuil (2006)

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