«Elle aurait voulu la retenir, écouter le bruit familier des assiettes remuées et cette chanson incompréhensible dont l'Alsacienne reprenait inlassablement le refrain. Les autres soirs, jusqu'à dix heures, Thérèse se sentait rassurée par cette rumeur que fait un seul être vivant lorsqu'il est jeune. Durant les premiers mois, Anna avait habité, dans l'appartement, une petite pièce inoccupée. Et pendant la nuit, sa maîtresse surprenait des soupirs, des paroles confuses d'enfant qui rêve, parfois un grognement animal. Et même lorsque la jeune fille était endormie du sommeil le plus calme, sa présence restait sensible à Thérèse, - comme si elle eût entendu le sang courir dans ce corps couché derrière la cloison. Elle n'était pas seule ; les battements de son propre cœur ne l'effrayait plus.»
La Fin de la nuit. François Mauriac. Éditions Bernard Grasset (1935)
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