«Aux yeux d'un physiologiste ordinaire, l'énergie de ces deux jouvenceaux eût pu paraître anormale. Le désir effréné qu'ils ressentaient l'un pour l'autre devenait insupportable si, en l'espace de quelques heures, il n'était satisfait plusieurs fois, au soleil, ou à l'ombre, sur le toit, dans la cave - tout leur était bon. Malgré des ressources peu communes, c'est à peine si Van pouvait marcher de pair avec sa pâle "amorette" (jargon français de l'endroit). Ils exploitaient le plaisir avec une prodigalité qui confinait à la folie et qui eût certainement abrégé leurs jeunes existences si l'été, qui leur était d'abord apparu comme la promesse d'un fleuve sans limites, inépuisable de splendeur verte et de liberté, n'eût laissé transparaître quelques allusions voilées à de possibles défloraisons et défaillances, à la fatigue de sa fugue - ultime ressort de la nature, éloquentes trouvailles allitératives (quand la feuille et le phalène s'imitent), un premier point d'orgue à la fin du mois d'août, un premier silence au début septembre.»
Ada ou l'ardeur. Vladimir Nabokov. Librairie Arthème Fayard (1975)
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