«Une fois, je lui dis :"Comment ça se fait, monsieur, avec la grande intelligence que vous avez, et les dix ans ça fait que vous vivez dans la règle monastique, et dans le retranchement complet de votre vouloir propre, que vous entrez toujours pas dans les ordres, pour être, là, complètement parfait ?" Et il me répond : "Qu'est-ce que tu dis, vieillard, de mon intelligence ; si ça se trouve, c'est mon intelligence, qui me rend aveugle au lieu que, moi, je la dompte. Et puis, tu réfléchis sur l'entrée dans les règles ; moi si ça se trouve, depuis longtemps, j'ai perdu ma mesure. Et qu'est-ce que tu me dis, le retranchement de mon vouloir ? Mon argent, tiens, j'y renoncerai tout de suite, mes titres, je peux les rendre, toutes mes médailles, pareil, je les poserais sur la table, mais une pipe de tabac, dix ans ça fait que je me bats, pas moyen que j'y renonce. Alors, quel ermite je ferais, après ça, et de quel retranchement de mon vouloir tu me fais des éloges ?"»
L'Adolescent. Fédor Dostoïevski. Actes Sud (1998)
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