«Je crois avoir été d'une fidélité parfaite à moi-même. Je n'ai pas changé. Depuis que je me connais mes sentiments, mes pensées, mon être, présentent une espèce d'invariabilité que les événements, la vie, n'ont pu altérer. Je me reconnais dans ce que je pensais à dix-sept ans. Les sollicitations des hérésies et fanatismes qui se sont succédé, ne m'ont pas séduit. Avant de pouvoir trouver des réponses, des raisons de mon inacceptation, je m'entêtais spontanément, sans argument, sans aucune raison que celle muette et profonde du coeur, quitte à donner plus tard les contre-arguments. J'étais ce que j'étais. Je suis ce que j'ai été. J'ai appris à être seul très tôt parce que je ne pensais pas ce que les autres pensaient. Ma nature profonde m'en empêchait. Mais la solitude n'est pas l'isolement, elle n'est pas une barrière me séparant du monde, elle est un bouclier, une cuirasse qui peut défendre ma liberté, qui me permet de garder, malgré le brasier ardent dans lequel me plonge mes fureurs, mes répulsions, mes frayeurs, la tête froide. Je continue de m'entretenir par-dessus la barrière, avec les autres, dans la mesure du possible.»
Journal en miettes. Eugène Ionesco. Mercure de France (1967)
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