« Et ce système en est en grande partie responsable parce que, comme nous l'avons dit, à force d'obliger les jeunes à répéter comme des perroquets le plus grand nombre possibles de mots, sans jamais leur apprendre à les différencier autrement que par leur sonorité, comme si le sens qu'ils contiennent n'avait aucune importance, ce système d'éducation est arrivé peu à peu à faire perdre aux gens toute faculté de réfléchir sur la signification ou la portée des mots qu'ils disent ou qu'on leur dit.
Cette faculté s'étant atrophiée chez les gens, cependant que subsistait pour eux la nécessité de transmettre leurs pensées de manière plus ou moins exacte, ils se sont vus obligés, en dépit du nombre déjà illimité des mots des langues contemporaines, soit d'emprunter des mots à d'autres langues, soit d'en inventer sans cesse de nouveaux, et tout cela pour aboutir au résultat suivant : lorsqu'un homme contemporain veut exprimer une idée pour laquelle il dispose d'un grand nombre de mots apparemment adéquats et qu'à cette fin il choisit un mot que ses considérations mentales lui désignent comme le plus juste, il éprouve en même temps d'instinct un doute quant à la justesse de son choix, et redonne alors inconsciemment à ce mot le sens subjectif qu'il a toujours plus lui. »
Récits de Belzébuth à son petit-fils : critique objectivement impartiale de la vie des hommes. Georges Ivanovitch Gurdjieff. Stock + plus (1976)
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