«Et puis des artistes en plus, de nos jours, on en a mis partout par précaution tellement qu’on s’ennuie. Même dans les maisons où on a mis des artistes avec leurs frissons à déborder partout et leurs sincérités à dégouliner à travers les étages. Les portes en vibrent. C’est à qui frémira davantage et avec le plus de culot, de tendresse, et s’abandonnera plus intensément que le copain. On décore à présent aussi bien les chiottes que les abattoirs et le Mont-de-Piété aussi, tout cela pour vous amuser, vous distraire, vous faire sortir de votre Destinée.
Vivre tout sec, quel cabanon ! La vie c’est une classe dont l’ennui est le pion, il est là tout le temps à vous épier d’ailleurs, il faut avoir l’air d’être très occupé, coûte que coûte, à quelque chose de passionnant, autrement il arrive et vous bouffe le cerveau. Un jour, qui n’est qu’une simple journée de 24 heures c’est pas tolérable. Ça ne doit être qu’un long plaisir presque insupportable une journée, un long coït une journée, de gré ou de force.
Il vous en vient ainsi des idées dégoûtantes pendant qu’on est ahuri par la nécessité, quand dans chacune de vos secondes s’écrase un désir de mille autres choses et d’ailleurs.»
Voyage au bout de la nuit. Louis-Ferdinand Céline. Gallimard, (1952)
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