samedi 28 mars 2015

Préfiguration 17/17 (3)

«Mais je pense aussi bien entendu et fatalement à Baudelaire, osant des choses énormes pour l'époque sur cette question recouverte d'une couche de sacré cuirassé. Dans son admirable article sur Delacroix qui vient de mourir, il  laisse tomber ceci par exemple :
"Je dois ajouter, au risque de jeter une ombre sur sa mémoire, au jugement des âmes élégiaques, qu'il ne montrait  pas non plus de tendres faiblesses pour l'enfance. L'enfance n'apparaissait à son esprit que les mains barbouillées de confiture (ce qui salit la toile et le papier), ou battant le tambour (ce qui trouble la méditation), ou incendiaire et animalement dangereuse comme le singe.
Je me souviens fort bien, disait-il parfois, que quand j'étais enfant, j'étais un monstre. La connaissance du devoir ne s'acquiert que très lentement, ce n'est que par la douleur, le châtiment, et par l'exercice progressif de la raison que l'homme diminue sa méchanceté naturelle.
Ainsi par le simple bon sens, il faisait un retour vers l'idée catholique. Car on peu dire que l'enfant, en général, est, relativement à l'homme, en général, beaucoup plus rapproché du péché originel."
 [...]
Tout de même, faire en plein 19e cette proposition anti-enfant qui se redouble d'une affirmation du péché originel, c'est aller tout simplement contre le 19e en son entier, c'est vomir le 19e dans un spasme insultant, c'est repousser la voix écrasante du 19e qui pourrait s'appeler Hugo ou Michelet, gardiens monumentaux de l'orthodoxie.»

Le XIXe siècle à travers les âgesPhilippe Muray. Editions Denoël (1999)

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