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«Tout homme aujourd'hui, dont la stature morale et l'envergure intellectuelle ne soient pas celles d'un pygmée ou d'un rustre, aime, quand il aime, d'un amour romantique. L'amour romantique est le produit extrême de siècles des siècles d'influence chrétienne ; et , quant à sa substance, ou aux étapes de son développement, on peut les faire entendre, à quelqu'un qui ne les comprendrait pas, en le comparant à un vêtement, un costume, que l'âme ou l'imagination confectionnerait pour en revêtir des individus rencontrés au hasard, en pensant qu'ils peuvent leur convenir.
Mais tout vêtement, comme il n'est pas éternel, ne dure qu'autant qu'il dure ; et très vite, sous cet habit de l'idéal que nous avons taillé, qui part en guenilles, surgit le corps réel de la personne humaine que nous en avions revêtue.
L'amour romantique est donc un chemin de désillusion. Il peut ne pas l'être à condition que la désillusion, acceptée depuis le début, décide de changer constamment d'idéal, de tisser constamment dans les ateliers de l'âme, de nouveaux vêtements, grâce auxquels constamment puisse se renouveler l'aspect de la personne qui les porte.»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
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