«Faisant allusion à sa bibliothèque, Gaubert arborait toujours cet air de modestie pudique qui sue l'orgueil à grosses gouttes. Or, après avoir compulsé les rayons du haut en bas comme je n'avais pas manqué de le faire, on se demandait bien pourquoi. Beaucoup de livres, beaucoup trop et rien qui vaille une mention spéciale dans le lot. Son bureau où il n'avait que rarement le temps de s'attarder, la vie familiale se déroulant entre la cuisine et la salle à manger, était garni de livres sur les quatre faces à mi-hauteur des murs. Romans en majeure partie. Les séries classiques des bibliothèques de bon aloi, ce que, pour ma part, je classais sous la rubrique jus de concombre. Plastron et queue-de-pie. Ayant de la moralité et de la religion. Pas un mot plus haut que l'autre. Tempérance du fin sourire de courtoisie. Les friandise du buffet conviennent aux estomacs les moins robustes. Pourquoi se mettre martel en tête ? Laissons de côté ces esprits pervertis qui éprouvent le besoin de rédiger des bouquins comme s'ils fabriquaient des bombes à retardement. Il est si reposant de s'imaginer le monde à travers la gaze déformante et d'entendre partout de soi le chant basalmique des jeunes filles en fleurs.»
Septentrion. Louis Calaferte. Denoël (1984)
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