«Mais il semble que ce bien être psychique et bourgeois ait reposé sur des bases précises et nullement éternelles. On nous explique aujourd'hui qu'alors il existait d'immenses surfaces cultivables et d'autres richesses naturelles dans le monde, dont il fallait d'abord prendre possession ; qu'il y avait des peuples de couleur, sans défense, qui n'avaient pas été pillés (la violence étant compensée, se disait-on, par le don de la civilisation) ; qu'il y avait aussi des millions d'hommes blancs qui devaient payer,sans pouvoir se défendre, les fruits du progrès industriel et commercial (mais on rassurait sa conscience avec la certitude pas tout à fait injustifiée qu'après cinquante ou cent ans de progrès continuel, les déshérités auraient une situation meilleure qu'avant le déshéritement). En tous cas, la corne d'abondance d'où débordait la réussite physique et intellectuelle était si profonde, si inépuisable, qu'elle demeurait invisible, ne laissait que l'impression de croissance dans tous les domaines. Aujourd'hui, il est absolument impossible de faire comprendre à quelqu'un combien il était alors naturel de croire à la durée de ce progrès, de voir dans la réussite et dans l'esprit quelque chose qui, comme l'herbe, se propage partout où on ne l'a pas arraché volontairement.»
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