«Ils se tenaient à genoux, lui derrière elle, sur le bord d'une corniche cristalline où le ruisseau, avant sa chute, s'arrêtait pour se faire photographier et prendre lui-même des photographies. A l'instant du dernier frémissement, Van, penché sur le miroir liquide, lut dans le reflet du regard d'Ada le signal d'un danger imminent. Une situation analogue s'était déjà présentée (mais où ? mais quand ?). Si Van n'eut pas le temps de préciser son souvenir, du moins s'expliqua-t-il aussitôt le bruit d'un trébuchement qui se fit entendre derrière lui.
Au milieu d'un fourré encombré de rochers chaotiques, ils découvrirent et consolèrent la pauvre Lucette dont le pied avait glissé sur une plaque de granit. Rouge et rageuse, l'enfant se frottait la cuisse, en feignant des souffrances très exagérées. Gaiement, Van et Ada lui prirent chacun une menotte et la ramenèrent en courant à la clairière où elle éclata de rire, s'effondra puis se dirigea vers ses tartelettes favorites, qui l'attendaient disposées sur une chaise pliante. Là, s'étant dépouillée de son sweat-shirt, elle remonta hardiment sa culotte verte et entama à croupetons sur le sol roux les victuailles dont elle venait de faire provision.»
Ada ou l'ardeur. Vladimir Nabokov. Librairie Arthème Fayard (1975)
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