vendredi 9 janvier 2015

Bien entraînés au désir par quelques heures à l'Olympia chaque semaine, nous allions en groupe faire une visite à notre lingère-gantière-libraire, Mme Herote, dans l'impasse des Beresinas, derrière les Folies-Bergères, à présent disparue, où les petits chiens venaient avec leurs petites filles en laisse, faire leurs besoins.
Nous y venions nous, chercher notre bonheur à tâtons, que le monde entier menaçait avec rage. On en était honteux de cette envie-là, mais il fallait bien s'y mettre tout de même ! C'est plus difficile de renoncer à l'amour qu'à la vie. On passe son temps à tuer ou à adorer  en ce monde et cela tout ensemble. "Je te hais ! Je t'adore ! " On se défend, on s'entretient, on repasse sa vie au bipède du siècle suivant, avec frénésie, à tous prix, comme si c'était formidablement agréable de se continuer, comme si ça allait nous rendre au bout du compte, éternels. Envie de s'embrasser malgré tout, comme on se gratte.»

Voyage au bout de la nuitLouis-Ferdinand Céline. Editions Gallimard (1952)

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