«On lira avec fruits les remarquables intuitions de Botul concernant le Mobilier Anodin. Le concept était neuf, et pouvait passer pour une extension de la phénoménologie, encore balbutiante en France et tout de même trop "boche" pour être populaire, alors que l'on négocie le traité de Versailles et que la mode est encore et toujours au buffet Henri-II. Que la conscience se projette sur un vaisselier, et pourquoi pas, en un temps où Freud avait lancé la mode de l'étendre sur un canapé ? Dans son analyse de la thésaurisation capitaliste, Marx n'avait-il pas esquissé, du moins si l'on croit un de ses détracteurs les plus vifs, Paul Valéry, "une critique sociale du pouf bourgeois, avec des franges", et Bergson ne laissait-il pas entendre, dans ses Données immédiates de la conscience, que le tic-tac d'une horloge comtoise dans a chambre à coucher procurait ce que nous appellerions des stimulations subliminales ? L'homme du XXe siècle n'exprime pas seulement son Avoir par les objets, mais son Être - parfois son non-Être. De même que Proust était fasciné par le téléphone et les aéroplanes, Landru découvre que le désir passe par le mobilier. À désirs vulgaires, mobilier anodin. C'est donc cette veine qu'il faut creuser, et c'est celle que creuse Botul.»
Landru, précurseur du féminisme : correspondance inédite 1919-1922. Henri-Désiré Landru et Jean-Baptiste Botul. Mille et une nuits (2001)
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