«Lake était né dans l'Ohio, avait étudié à Paris et Rome, enseigné en Equateur et au Japon. C'était un expert en art reconnu, et l'on se demandait, intrigué, pour quelles raisons, depuis dix hivers, Lake avait choisi d'aller s'enterrer à Saint-Bart'. Bien qu'il possédât le caractère morose du génie, il manquait d'originalité et il le savait ; ses peintures donnaient toujours l'impression d'être des copies merveilleusement intelligentes, bien qu'on ne pût jamais dire exactement la manière qu'il avait essayé de contrefaire. Sa connaissance approfondie de techniques innombrables, son indifférence aux "écoles" et aux "tendances", sa haine des charlatans, la conviction qu'entre une aquarelle prétentieuse d'hier, et, mettons, le néo-platonisme conventionnel ou le non-objectivisme banal d'aujourd'hui, il n'y avait aucune espèce de différence, et que rien à part le talent individuel n'avait d'importance, ces conceptions faisaient de lui un professeur peu ordinaire. Saint-Bart' n'était pas particulièrement satisfait ni des méthodes de Lake ni des résultats de celles-ci, mais on le gardait parce qu'il était élégant de compter au moins un phénomène dans les professeurs.»
Pnine. Vladimir Nabokov. Editions Gallimard (1962)
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