«Une année de plus… À quoi bon les compter ?
Ce jour de l’An parisien ne me rappelle rien des premier janvier de ma jeunesse ; et qui pourrait me rendre la solennité puérile des jours de l’An d’autrefois ?
La forme des années a changé pour moi, durant que, moi, je changeais. L’année n’est plus cette route ondulée, ce ruban déroulé qui depuis janvier, montait vers le printemps, montait, montait vers l’été pour s’y épanouir en calme plaine, en pré brûlant coupé d’ombres bleues, taché de géraniums éblouissants, – puis descendait vers un automne odorant, brumeux, fleurant le marécage, le fruit mûr et le gibier, – puis s’enfonçait vers un hiver sec, sonore, miroitant d’étangs gelés, de neige rose sous le soleil…
Puis le ruban ondulé dévalait, vertigineux, jusqu’à se rompre net devant une date merveilleuse, isolée, suspendue entre les deux années comme une fleur de givre le jour de l’An…»
Les vrilles de la vigne. Colette. Fayard (2004)
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