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Réaliser une oeuvre, et la tenir pour mauvaise une fois réalisée est une tragédie de l'âme. Plus grande encore lorsqu'on reconnaît que cette oeuvre est la meilleuse que l'on pouvait réaliser. [...]
Pourquoi est-ce que j'écris alors ? Parce que tout en prêchant le renoncement, je n'ai pas appris à le pratiquer pleinement. Je n'ai pas appris à abdiquer mon inclination pour le vers et la prose. Je dois écrire comme on accomplit une punition. Et la plus grande punition est de savoir que ce que j'écris est entièrement futile, raté et vague.
Enfant déjà j'écrivais des vers. J'écrivais alors des vers très faibles, mais je les trouvais excellents. Je n'éprouverai jamais plus ce plaisir illusoire de produire une oeuvre parfaite. Ce que j'écris aujourd'hui est bien meilleur. Meilleur même que ce pourraient écrire les meilleurs. Mais infiniment inférieur à ce que, je ,ne sais pourquoi, je sens que je pourrais - ou peut-être devrais-je- écrire. Je pleure sur les mauvais vers de mon enfance comme sur un enfant mort, un fils mort, un dernier espoir qui s'en serait allé.»
Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo Soares. Fernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)
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