«C'était un individu de bonne taille, à l'air souffreteux, un homme pâle aux yeux cernés, à la calvitie bordée d'une sombre couronne de cheveux, aux long torse en gilet de laine bleue, par endroits déteinte, avec aux coudes des rapiéçages cobalt. Il tenait les mains enfouies dans les poches d'une culotte étroite comme la mort et serrait sous l'aisselle un grand registre relié de cuir noir. Cincinnatus avait déjà eu le plaisir de le voir une fois.
- Catalogue, dit le bibliothécaire dont la conversation se caractérisait par un laconisme provoquant.
-Bien, laissez-le moi, répondit Cincinnatus, je choisirai. Si vous voulez attendre, vous asseoir, libre à vous. Et si vous préférez partir...
- Partir, fit le bibliothécaire.
- Bon ! dans ce cas, je rendrai plus tard le catalogue à Rodion. Voilà ! vous pouvez emporter ceci. Ces revues de nos anciens sont splendides, touchantes. Avec ce lourd volume en guise de lest, j'ai plongé, savez-vous, jusqu'au fond des temps. Sensation captivante !
- Non, dit le bibliothécaire.»
Invitation au supplice. Vladimir Nabokov. Éditions Gallimard (1960)
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