lundi 14 avril 2025

PBF 2025.08 : Chronique fringante d'outre-océan (1) : Blondes et chums

Mercredi 16 avril 2025 à 19H, la Petite Boutique Fantasque propose une émission très exceptionnelle. Sans aller toutt au bouttt comme le chante Raoul Dugay, nous irons très loin, au-delà l’océan, jusqu’au Québec. Nous allons tenter d’analyser deux chansons des Cowboys fringants, Les étoiles filantes et Sur mon épaule en mettant en soulignant les dissemblances et les ressemblances des sensibilités québécoises (Laurianne) et françaises (Jean) sur ces deux chansons. Le problème du vocabulaire québécois des cowboys fringants est aussi abordé.

Programmation musicale : 
1) Tôuttt etô bôuttt (Raoul Dugay)
2) Vivre dans la nuit (Nuance)
3) Sur mon épaule (Les cowboys fringants)
4) Les étoiles filantes (Les cowboys fringants)
5) Le rock’n roll du grand flan mou (Plume Latraverse)

+ la première chronique fringante d’outre-océan en compagnie de Laurianne du Québec

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/blondes-et-chums-la-petite-boutique-fantasque/
 
Sus aux Philistins !
 
Photogramme de Geneviève de Michel Brault (1965)

mercredi 9 avril 2025

«N'empêche que son éclatante joie pour tant de victoires faciles [en Flandres], cette manière de conduire la Cour comme au spectacle contempler les villes conquises, et puis festoyer richement dans la Franche-Comté qui n'avait rien pour se défendre, tout cela traduit une autosatisfaction qui côtoie de mépris... De même que ces séances d'excuses infligées au doge de Gênes, au nonce, à l'Espagne (mais absolument pas à la fière marine anglaise, qui refusa toujours de saluer la première), qui exprimaient une vanité étalée avec trop de complaisance, et sans doute pas assez de sagesse. De même que cette merveille du Carrousel de 1662, qu'admira l'Europe des princes et des Cours, pendant que sévissait une dure famine dénoncée en chaire par Bossuet encore jeune, et peut-être naïf (cela ne durera pas). On discerne sans peine chez ce roi jeune et apparemment plein de santé un mélange à la fois rassurant et inquiétant d'imprudences magnifiques et de sagesses méditées.»

Le siècle de Louis XIV. Pierre Goubert. Éditions de Fallois (1996)

mardi 8 avril 2025

« Ne tombe pas amoureux 
 d’une femme qui lit, 
 d’une femme qui ressent trop, 
d’une femme qui écrit…
 Ne tombe pas amoureux 
 d’une femme cultivée, magicienne, délirante, folle.
 Ne tombe pas amoureux 
 d’une femme qui pense, 
 qui sait ce qu’elle sait et 
 qui, en plus, sait voler ; 
 une femme sûre d’elle-même.
 Ne tombe pas amoureux 
 d’une femme qui rit ou 
 qui pleure en faisant l’amour, 
 qui sait convertir sa chair 
 en esprit ; et encore moins 
 d’une qui aime la poésie 
 (celles-là sont les plus dangereuses), 
 ou qui s’attarde une demie heure en fixant un tableau, 
ou qui ne sait pas comment vivre sans musique.
 Ne tombe pas amoureux 
 d’une femme qui s’intéresse 
 à la politique, qui soit rebelle et
 qui a le vertige devant l’immense horreur des injustices
 Une qui aime les jeux de foot 
 et de baseball et qui n’aime absolument pas regarder 
 la télévision. 
 Ni d’une femme qui est belle 
 peu importe les traits 
 de son visage ou les caractéristiques de son corps.
 Ne tombe pas amoureux d’une femme ardente, ludique, 
 lucide et irrévérencieuse.
 Ne t’imagine pas tomber amoureux de ce genre de femme.
 Car, si d’aventure tu tombes amoureux d’une femme pareille, 
qu’elle reste ou pas avec toi, 
 qu’elle t’aime ou pas, 
 d’elle, d’une telle femme, 
 Jamais on ne revient.

[Martha Rivera-Garrido]

dimanche 6 avril 2025

Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (81)


 «La Jeune-Fille occupe le nœud central du présent système des désirs»
 
Premiers matériaux pour la théorie de la jeune-FilleTiqqun. Mille et une nuit. (2001)
 
photogramme d'Haydée Politoff dans La collectionneuse d'Eric Rohmer

vendredi 4 avril 2025

Visionnage domestique toulousain (230)

Tromperie. Arnaud Desplechin (2021)

Tromperie : entretien avec Arnaud Desplechin
« Quand la réalité scintille » : Rencontre avec Arnaud Desplechin pour évoquer son nouveau film, Tromperie, mais aussi l’œuvre de Philip Roth, le travail d’adaptation et de mise en scène, la judéité, la fidélité à soi-même et les souvenirs amoureux arrachés à l’oubli.  

Tromperie , le titre se révèle programmatique, car il marque cette ambiguïté qui traverse tout le film : il en va d’une tromperie au sens d’un adultère, mais également d’une tromperie sur le statut même des personnages. À la fin du film, on en vient à se demander si toute cette histoire est fantasmée, réelle, ou parfaitement inventée par l’écrivain lui-même. Avec Tromperie c’est ainsi une interrogation sur le statut de la fiction que vous menez.
Arnaud Desplechin : Concernant les personnages, c’est pour moi le thème du jeu qui prévaut. C’est par le prisme du jeu que j’ai trouvé la façon de faire le film : Léa Seydoux joue à être anglaise et Denis Podalydès joue à être un écrivain américain. C’est un jeu qui est proposé au spectateur dès le début puisqu’on est dans un théâtre qui ressemble aux Bouffes du Nord, et voilà que Léa Seydoux ferme les yeux, et quand elle les rouvre, nous sommes dans l’appartement de Philip, donc il y a un jeu. « Tromperie » parce que, bien sûr, c’est un adultère pour chacun des personnages, mais tromperie peut-être aussi à travers le fait que le personnage incarné par Léa va se retrouver dans le livre de Philip et qu’elle ne le désirait pas forcément. Enfin, évidemment, il y a tromperie par rapport à l’épouse de Philip, qui lui demande pourquoi le personnage s’appelle Philip et pas Zuckerman, ce qui rend possible une identification stricte de l’écrivain et du personnage du film. Mais, à travers ce titre que je pourrais prendre à rebours, ce qui m’a obsédé pendant la préparation, c’est la fidélité à soi-même. C’est d’ailleurs le cœur de la dispute entre Denis Podalydès et Anouk Grinberg (qui incarne l’épouse du personnage de Denis Podalydès, ndlr) : Philip ne peut pas faire autrement que d’être fidèle à lui-même. Je crois qu’il est épris de sa femme, tout comme il est épris de Léa Seydoux, mais d’une autre façon, et pourtant il ne peut pas renoncer à être fidèle à lui-même. Mais toujours sur ce thème de la tromperie, j’ai l’impression qu’à travers la conversation que ces femmes entretiennent avec Philip, elles s’émancipent et se réapproprient quelque chose d’elles-mêmes à travers les vicissitudes de la vie, l’exil, les tourments, les mariages malheureux, le temps qui passe… En parlant avec Philip, ces femmes récupèrent un peu d’elles-mêmes, et à travers cette relation adultérine, elles redeviennent fidèles à elles-mêmes.

C’est le procédé de l’écriture qui permet cet échange réciproque entre Léa Seydoux et Denis Podalydès. C’est la première fois que vous abordez aussi frontalement le personnage de l’écrivain. Comment avez-vous pensé dramatiquement la mise en scène de ce personnage, statique dans son travail, mais dont l’écriture et la parole vont convoquer une diversité de lieux et d’atmosphères ?
Arnaud Desplechin : La distribution du film m’a aidée énormément. Car Denis est l’écrivain que l’on sait et j’ai beaucoup d’admiration pour son écriture – je suis d’ailleurs en train de terminer la lecture de son dernier livre sur la Nuit des Rois(Les Nuits d’amour sont transparentes, éd. du Seuil, 2021, ndlr). Denis est un écrivain et un lecteur. Philip Roth était lui aussi un immense lecteur, on le sait par les textes qu’il a écrits sur les auteurs qu’il admirait : Kundera, Privo Levi, Aharon Appelfeld, etc. Du coup, avec Toma Baqueni, le décorateur, nous avons fait un travail de documentation énorme à partir de toutes les photos et les documentaires consacrés à Philip Roth, ce qui nous a permis de reconstituer son bureau à l’identique. Dans le film, les stylos sont ceux de Roth, la machine à écrire est la sienne, l’écritoire, la batte de base-ball dans un coin, bref, c’était absolument pareil. Du coup, c’était un terrain de jeu formidable pour Denis, et je lui ai laissé une grande liberté pour improviser au sein de ce décor. Bien sûr, j’avais des suggestions à lui faire, et nous travaillions à partir d’un découpage des scènes très précis, mais il se servait de tous les accessoires du décor pour donner cette dimension physique du travail de l’écrivain.
Je tenais à ce qu’on voie le côté physique de l’écriture, l’engagement du corps. Et c’est une chose que Denis savait faire assez spontanément, car pour lui ce n’est pas mystérieux d’écrire, et du coup il y avait une incarnation très forte du geste d’écrire. Je crois ainsi que pour le personnage de Philip, le geste d’écrire revient aussi à laisser se déposer en lui les voix de ces femmes dont il est amoureux. On le voit au tout début du film, car Léa lui raconte une histoire, quand son mari a reçu un disque de son amante, La jeune fille et la mort de Schubert, et Denis essaie de noter les mots, de sauver le temps qui passe, de sauver les souvenirs de cet amour précaire. Car les amours extra-conjugales sont nécessairement précaires, car un jour ou l’autre on sait que ça se terminera et il s’agit d’arracher au temps quelques phrases, c’est ça que je trouvais magnifique dans le livre et que j’ai essayé de retranscrire à travers le film.

Le thème de la mise en récit de relations adultérines relie votre film à L’homme qui aimait les femmes de Truffaut, notamment dans cette belle scène où vous cadrez en gros plan la boule Pica de la machine à écrire utilisée par Denis Podalydès, qui est une référence à un plan de Truffaut, où il cadrait Charles Denner écrivant à la machine.
Arnaud Desplechin : Bien sûr, nous y avons beaucoup pensé ! Au cinéma, Charles Denner est un des acteurs fétiches de Denis. Évidemment, dans ce rapport aux femmes, dans cette collection de femmes, le personnage de Philip peut sembler réactionnaire, alors qu’il est le contraire d’un womanizer, il se laisse plutôt emplir par ces voix féminines, il se laisse déborder par les femmes qu’il a aimées, qu’il a connues ou qu’il a méconnues, et son livre procède de cela. L’homme qui aimait les femmes est un de mes films cultes et il faisait partie des films que nous avons révisés scrupuleusement avant le début du tournage.

À travers votre filmographie, on décèle une proximité thématique avec Philip Roth, notamment sur le traitement de l’Europe de l’Est, ou encore la question juive, on peut ainsi songer à La Sentinelle. Quelle relation entretenez-vous avec l’œuvre de cet auteur américain ?
Arnaud Desplechin : Pour moi, Philip Roth, c’est au départ un immense éclat de rire quand je découvre Portnoy et son complexe. En découvrant ce livre, je découvre non pas de l’humour, mais une explosion de rire américain, et ce rire procède de deux choses qui, à mon avis, ne font qu’une : Philip Roth se sert de lui-même, de ses origines, de ses obsessions, de la même manière que je me sers de moi-même sur mes films. C’est-à-dire qu’il est à lui-même son propre matériau : de nombreux romans de Roth se passent à Newark ; de mon côté, 9 films sur 10 que j’ai faits passent par Roubaix. Mais surtout, il se fait déchoir : c’est-à-dire que ce n’est drôle de se servir de soi-même que si l’écrivain déchoit de son piédestal, si tout d’un coup l’écrivain est ridicule. Cette capacité à se moquer de soi, se déguiser et utiliser tout ce système de masque est ce dont je suis tombé amoureux dans l’œuvre de Roth. Il est vrai que me frappaient deux obsessions chez Roth : une singulière et une incontournable. Une obsession singulière pour les pays sous oppression soviétique, qui est un thème qui me passionne également, je pense à Trois souvenirs de ma jeunesse.

De par mon âge, je me souviens que l’Europe n’était pas une, l’Europe était en deux, et c’est un sujet qui me passionne encore aujourd’hui. Tromperie s’ouvre sur une vue des Twin Towers, c’est-à-dire avant la chute des tours du 11 septembre 2001. C’est un autre monde, un monde encore coupé en deux, et ça me passionne, je ne saurais pas vous dire pourquoi. Peut-être parce que j’ai lu les écrivains dissidents, et qu’ils m’ont beaucoup apporté, notamment les écrivains dissidents russes, mais aussi Kundera, et les écrivains dissidents tchèques. Le regard porté sur les pays opprimés vous permet d’apprendre que dans le monde capitaliste on n’est sans doute pas aussi libre qu’on le croit, et on peut ainsi apprendre quelque chose des dissidents. C’est un motif qui traîne chez Roth, à travers L’orgie de Prague qui se passe entièrement à Prague, puis ensuite, il parlera dans ses livres plus tardifs d’un système coercitif américain, je pense à Comment j’ai épousé un communiste, La tache, The Human Stain, etc. Il est donc vrai que c’est un point commun entre Roth et moi, et je me reconnais terriblement à travers ces thèmes. D’où le fait qu’il n’était pour moi pas question de moderniser l’intrigue, je voulais absolument garder cette inscription d’un moment où il existait, de l’autre côté du mur, une oppression plus radicale encore que celle que l’on connaît, et je voulais garder cette présence d’un dialogue entre l’Est et l’Ouest.
Enfin, il y a l’obsession juive qui est absolument omniprésente dans les livres de Philip Roth. Je suis catholique, Roth est un écrivain juif, mais au cœur de ma vie s’inscrit la singularité juive, c’est évident et ça transparaît dans mes films, et la singularité juive est pour moi le sel de la vie même. Je le dis en tant que chrétien, en tant que non-juif, comme me réjouit dans les films de Renoir, dans La Grande Illusion, le fait que Dalio soit juif. Le fait que nous ne soyons pas tous pareils, que nous dissemblions est pour moi source d’une grande joie. Je ne pourrais pas vivre dans un monde où nous serions tous pareils, ce serait l’horreur. Pour moi, le plaisir est que nous soyons hommes et femmes, juifs et non-juifs, etc.

Cette présence des auteurs juifs est en effet récurrente dans vos films. Dans Roubaix, une lumière on apercevait des livres de Levinas sur le bureau du jeune policier. Levinas est un penseur qui a mis au centre de sa réflexion la notion de l’altérité, qui passe par une attention marquée au visage. Dans Tromperie , vous filmez en Scope et souvent de manière très serrée les visages des comédiens, était-ce pensé dans le but de donner toute leur place à la singularité des acteurs, et de faire naître l’émotion ? D’autant plus que ces plans alternent avec des scènes plus aérées en dehors du bureau de Philip. Comment avez-vous construit l’agencement des séquences pour adapter ce roman uniquement constitué de dialogues ?
Arnaud Desplechin : Vous avez cité Levinas qui est effectivement un penseur de l’altérité, mais qui passe plus précisément par le chemin de la « visagéité », c’est un penseur qui est ivre des visages. À ce titre, dans Tromperie, la caméra est ivre des visages des femmes. Je pense en particulier à une scène, quand Philip rejoint Rosalie (Emmanuelle Devos) à l’hôpital à New York après avoir eu deux longs coups de téléphone avec elle. On terminait la scène sur elle, Yorick Le Saux (chef opérateur, ndlr) était à la caméra et je lui disais de cadrer plus près le visage d’Emmanuelle pendant qu’elle disait à Denis : « Redis-le-moi, redis-moi que je vais vivre. » Et Yorick me disait que ce n’était pas possible de faire plus serré car on était déjà en très gros plan ; je lui ai alors répondu que je ne voulais pas un très gros plan, mais un « trop gros plan », ce qui n’était pas du tout la même chose. Donc ces plans très serrés sur les visages sont des choses qui se sont accentuées au tournage, mais ça nécessitait aussi de l’aération. Je me souviens que toute la préparation était très heureuse, mais quinze jours avant de tourner j’ai fait le compte et on devait avoir près de soixante-et-une scènes où un homme parle avec une femme dans un bureau. Je me suis dit que ça allait être à périr d’ennui.

Pour remédier à cela, on a fait feu de tout bois pour inventer des situations de paroles différentes, des tailles de cadre différentes. Je pense par exemple, à la scène du jeu du biographe : elle commence en intérieur, où Denis est assis au bureau, puis c’est Léa qui est assise au bureau, et lui est assis sur un canapé, il s’approche et la conversation se continue dans un parc. Voilà qu’elle veut raconter qu’elle n’a pas du tout aimé être enceinte, que c’était affreux pour elle, que c’était un cauchemar. Ça, c’est une confession qu’elle ne peut faire qu’à Hyde Park, c’est-à-dire en plein air. Je pense qu’il y a des vérités qui ne peuvent pas se dire dans un appartement. Comme je connais un peu Londres, et qu’il est dit dans le livre que Philip habite à Notting Hill, si vous remontez à pied de Notting Hill, vous arrivez à Hyde Park. Donc du coup ça aérait les scènes, sans transiger avec la vraisemblance, et cela permettait de rythmer le film et de dire au spectateur que c’était tout sauf un film cérébral, que c’était un film physique sur l’amour même si on les voit très peu coucher ensemble. À ce titre, je dois beaucoup à Yorick Le Saux pour la sensualité du film.

Vous abordez de manière récurrente la question du souvenir dans vos films, on peut songer à Trois souvenirs de ma jeunesse, ou aux Fantômes d’Ismaël. Ce thème est encore présent dans Tromperie, comme dans cette scène où Rebecca Marder dit à Denis Podalydès qu’elle n’a que très peu de souvenirs de lui. Le personnage de l’écrivain semble lutter contre l’oubli par l’écriture, comment concevez-vous la notion du souvenir ? Plus largement, voyez-vous dans le cinéma le moyen de conjurer l’oubli ?
Arnaud Desplechin : Le souvenir est pour moi quelque chose qu’on arrache au temps. La dernière phrase d’Une autre femme de Woody Allen – que je cite très imparfaitement – dit quelque chose comme : « Est-ce que le souvenir est quelque chose qui nous échappe, ou quelque chose qui nous appartient ? » Je pense que c’est les deux : le souvenir est ce qui s’enfuit, mais il est également la seule chose qui nous reste. Personnellement, j’ai une mémoire exécrable, je ne me souviens de rien en particulier dans ma vie. Je n’ai aucun souvenir précis de mon enfance, de ma jeunesse, mais en revanche, j’ai une mémoire très exacte des films que j’ai faits et de la manière dont je les ai conçus et tournés. Ce qui me fait dire que ce sont les films qui sont les réceptacles du souvenir. Je me permets de risquer une confession : ce qui me bouleverse dans le cinéma, c’est quand le réel se met à scintiller, quand le réel devient une épiphanie. Cela me frappe très fortement quand je vois les films des frères Lumière. Récemment j’ai vu l’exposition Enfin le cinéma ! au musée d’Orsay, et on peut y voir un petit film d’Alice Guy, avec des enfants qui jouent dans une rivière avec un chien, et soudainement, la vie qui peut sembler terne, banale, devient magnifique lorsque vous la projetez.
Et quand Philip pense à son amante anglaise, il se souvient de l’odeur de chaque étreinte, de chaque geste, de la manière dont elle était habillée, et c’est ça pour moi, la présence du cinéma : quand la réalité scintille. C’est un privilège de l’amour extra-conjugal par rapport à l’amour conjugal, c’est que dans les amours conjugaux le charme réside dans la quotidienneté ; alors que lorsque vous êtes avec un amant ou une amante, le miracle apparaît, tout est miraculeux, car c’est une forme de redécouverte permanente. Et pour moi, le cinéma, c’est quand la vie se met à scintiller. Je crois que cela est en lien avec la question du souvenir, car si vous lisez le livre de Roth, il est très austère, c’est plus un essai qu’un roman, car ce sont juste des dialogues sans didascalie, et sans même le nom des personnages. Vous avez simplement des bribes de dialogues et de mots échangés.

Et à un moment, il y a ce chapitre que je peux vous citer de mémoire, car il est très court : « Oh ! Une nouvelle ceinture. » Évidemment, cela invite le réalisateur à l’imagination, car est-ce l’homme qui défait la ceinture de la fille, est-ce la fille qui remarque que l’homme a une nouvelle ceinture ? Une épouse ne dirait jamais cela à son mari, car elle était avec lui au magasin, donc elle n’a pas de raison de le dire. Quand vous vivez sous le règne de la conjugalité, ce qui est délicieux c’est l’habitude, mais quand vous avez des amours extra-conjugales, tout est évanescent, vous voyez l’être aimé le lundi, et peut-être le vendredi vous ne le verrez plus jamais de votre vie. Vous ne savez pas, c’est très ténu, c’est très fragile. J’ai donc l’impression que Philip essaie d’arracher au temps des moments qu’il gardera toute sa vie. Un jour cette femme lui avait dit cette phrase tout à fait banale qui était : « Oh ! Une nouvelle ceinture. » Et de cela il s’en souviendra toute sa vie comme d’un miracle, un miracle de présence, de drôlerie, et tout d’un coup il peut arracher quelque chose au temps. J’ai l’impression que ce thème du souvenir est très fortement inscrit dans le livre comme dans le film, il s’agit de tout ce que l’écrivain peut arracher au temps grâce à ses carnets de notes.

En ce sens, à la lecture on se perd un peu dans le livre de Roth, on ne sait jamais très bien qui parle. De ce point de vue, on a le sentiment que le livre appelle le film.
Arnaud Desplechin : Oui, c’est la fameuse scène du « Oh ! Une nouvelle ceinture », il faut qu’un réalisateur arrive pour savoir si c’est l’homme qui dit ça à la femme ou la femme qui dit ça à l’homme, il y a un choix de mise en scène et j’ai aussi eu l’impression que comme le livre raconte un peu les états du cœur des protagonistes, on ne sait jamais quand l’écrivain américain et l’Anglaise rompent. Et je me suis dit que cette incertitude n’était pas cinématographique. Il faut être plus simple au cinéma. Avec Julie Peyr (co-scénariste du film, ndlr), on a travaillé sur le fait de raconter une histoire. Je voulais raconter une histoire au spectateur, je voulais insuffler du romanesque dans le film, et je me suis donc dit qu’on allait raconter la rupture.
En fait, c’est en lisant le texte et en analysant le texte qu’on en est arrivé à comprendre ceci : à un moment Philip va rendre visite à Rosalie, à l’étudiante américaine, et à son père également, donc il est retourné à New York. De son côté, la jeune femme incarnée par Léa est captive dans ce mariage malheureux, et quand elle voit son amant revenir de New York, elle se dit qu’un jour ou l’autre il repartira. Et ce jour-là elle le perdra, et donc, elle se dit : quitte à le perdre, autant que je le perde la première, que je devance le terme. Par conséquent, on a utilisé la scène du chèque que je trouve bouleversante chez Philip Roth, où lui fait ce geste si admirablement juif : il lui donne de l’argent. C’est-à-dire qu’il ne lui donne pas un cadeau, il ne lui donne pas un collier, il lui donne de l’argent, c’est-à-dire de la liberté. Et elle qui est toute chrétienne, elle ne peut pas accepter cet argent, parce que ce n’est pas possible, ça irait contre sa dignité, et ça irait contre l’idée qu’elle peut se faire de l’amour. Après cette scène, elle repart et c’est fini entre eux. Il a donc fallu construire la rupture de manière plus romanesque que ce que Philip Roth avait fait, mais avec le matériau littéraire de Philip Roth.

L’adaptation est extrêmement fidèle au texte de Roth, mais il y a certains moments d’une grande subtilité où les acteurs s’émancipent un peu du texte. Par exemple, cette scène où Léa Seydoux qui raconte son enfance dit qu’elle avait les cheveux bleus, alors que dans le texte de Roth, son personnage avait les cheveux rouges. Étant donné que c’est Léa Seydoux qui prononce cette phrase, on ne peut s’empêcher de songer au fait qu’elle portait elle-même les cheveux bleus dans La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche. Une telle intimité éclot dans ce film, que les acteurs semblent parler pour eux-mêmes, et non plus seulement pour leurs personnages.
Arnaud Desplechin : Quand je commence le travail, je ne répète pas avec les acteurs ensemble, mais je lis le texte avec chacun d’entre eux séparément. Ensuite, lorsque les acteurs se rencontrent, il faut une caméra pour immédiatement capter l’alchimie qui peut passer entre eux. Quand on faisait ces lectures, je disais à Léa et Denis de « flotter dans le texte ». Ce que je veux c’est comprendre ce que les comédiens éprouvent. Je les incitais donc à ne pas nécessairement respecter la lettre du texte – d’autant plus que c’est une traduction – et j’avais tendance devant eux à broder sur le texte, à m’en affranchir. Et quand on est arrivé à cette scène que vous citez, Léa m’a envoyé un message la veille du tournage et m’a dit : « Je suis désolé, la fille aux cheveux rouge ce n’est pas crédible, j’ai envie de dire la fille aux cheveux bleus, est-ce que tu le permets ? » J’ai dit « Mais flotte, flotte » et j’ai embrassé sa proposition avec grand plaisir. Je trouve le texte de Roth bouleversant, mais je crois que ces quelques libertés prises par les acteurs permettent de faire naître encore plus de tendresse et d’émotion. C’est ce que Léa dit à Denis à la fin : « C’était si tendre, je crois », et à ce moment-là elle pleure, et Léa pleurait réellement sur le tournage.

Un article par Tristan Duval-Cos, le 28 décembre 2021 Zone critique

mercredi 2 avril 2025

PBF 2025.07 : La ronde de la mémoire place Pinel

Mercredi 2 avril 2025 à 19H, la Petite Boutique Fantasque propose une émission autour de la mémoire et de la ronde. La mémoire est celle de la 49ème chronique de l'univers place Pinel et celle de la chanson française. La ronde est présente par un extrait de la pièce éponyme d'Arthur Schnitzler filmée par max Ophüls en 1950. Il traite des femmes mariées perdues et des femmes mariées honnêtes. Danielle Darrieux joue le rôle de la femme mariée perdue et Fernand Gravey son mari le baron Charles Breitkopf, très crédule.

Programmation musicale :
1) La marche nuptiale (Georges Brassens) François Morel
2) La femme du vent (Anne Sylvestre)
3) Rêve (Exercices de style / Raymond Queneau) Les grandes gueules
4) C'est un bon copain (La Foire aux chapeaux)
5) Fanzine (Imago)
6) Mon enfance (Jacques Brel)
7) Saturne (Georges Brassens)
8) Le matin je m'éveille en chantant (Guy Béart)
9) Aquarelle (Isabelle Mayereau)
10) La nuit (Fernand Bernadi) 
11) Animal en quarantaine (Hubert-Félix Thiéfaine)

+ 1 extrait de La ronde (Max Ophüls)
+ Chronique de l'univers place Pinel : La mémoire de la place Pinel par Marius Pinel

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Sus aux Philistins !

dimanche 30 mars 2025

Tubéreuse savoureuse (8)

Hirondelles de lumière avenue de Muret (Toulouse août 2024)

photographie Jean Patin

«Durant six années, il [Louis XIV] multiplia les signes de magnificence devant l'Europe étonnée. Étonnée non pas tellement d'une ou deux expéditions sur les côtes barbaresques (Algérie) pour châtier des pirates qui d'ailleurs reparaissaient toujours ; non pas tellement de l'envoi de quelques troupes pour aider l'empereur et l'Empire à arrêter les Turcs sur le Raab en 1664, près du monastère voué à Saint-Gothard, malgré le style hautain avec lequel furent expédiés et rappelés ces maigres secours (6000 hommes). Un plus, sans doute, sur l'aide apportée aux Portugais pour se libérer du joug espagnol, ce qui advint lorsque son envoyé Schomberg, remporta la victoire de Villaviciosa (1665). Le plus extraordinaire fut les conflit de préséances»

Le siècle de Louis XIV. Pierre Goubert. Éditions de Fallois (1996)

Visionnage domestique toulousain (229)

Pas sur la bouche. Alain Resnais (2003)

samedi 29 mars 2025

PBF 2025.06 : Doubles vies

Mercredi 26 mars 2025 à 19H, la Petite Boutique Fantasque propose les doubles vies des maîtresses et des amants, comme dans le théâtre de boulevard. Le prétexte en est quelques extraits du film d'Olivier Assayas sorti en 2018, Double vies.

Programmation musicale :
1) Motel Mon repos (Beau dommage)
2) Notre histoire (Alexis HK)
3) Soleil (Laurent Dehors)
4) Comme la pluie (Alex Beaupain/Grégoire Leprince-Ringuet)
5) Adios (Jacques Higelin)
6) Océan (Arthur H.)
7) La Matchiche (Jules et son limonaire)

+ 5 extraits de Double vies (Olivier Assayas). On y reconnaîtra Juliette Binoche, Guillaume Canet et Vincent Macaigne


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Sus aux Philistins !
 
Photogramme de Juliette Binoche dans Rendez-vous d'André Téchiné

Théâtre au théâtre du Centre de Colomiers (8) avec Laurie

Le chien des Baskerville. Compagnie Paradis Eprouvette (Christophe Anglade)

dimanche 23 mars 2025

 «Sur l'affiche suivante se retrouvent les mêmes mots à la même place, la même bouteille inclinée dont le contenu est prêt à se répandre, le même sourire impersonnel. Puis, après un espace vide couvert de céramique blanche, la même scène de nouveau, figée au même moment où les lèvres s'approchent du goulot tendu et du liquide sur le point de couler, devant laquelle les mêmes gens pressés passent sans détourner la tête, poursuivant leur chemin vers l'affiche suivante.»

Dans les couloirs du métropolitain. Alain Robbe-Grillet. 10/18 (1964)

dimanche 16 mars 2025

Visionnage domestique toulousain (228)

 

 
La vie est un roman. Alain Resnais (1983)
 
Avec La vie est un roman, Alain Resnais voulut rendre un hommage enjoué à trois réalisateurs français essentiels qui marquèrent chacun une époque distincte : Georges Méliès, Marcel L’Herbier et Éric Rohmer.

lundi 10 mars 2025

PBF 2025.05 : Hélène lasse d'avoir parlé tout le jour pour ne rien dire

Mercredi 12 mars 2025 à 19H, la Petite Boutique Fantasque donne une nouvelle lecture d'une nouvelle d'Armand Silvestre. Nous sommes dans la période du début du mois de janvier dans un couple mal assorti, un mari grognon -et ladre- avec une femme rêveuse et lassée. L'émission a pour titre Hélène lasse d'avoir parlé tout le jour pour ne rien dire. Cette nouvelle est tirée d'Histoires gaies (1895).

Programmation musicale :
1) Fire cross the sky (Tony Levin)
2) From the undertow (Tony Banks)
3) My door is locked (Talya G. A. Solan)
4) I bit off than I can chew (Suzy Quatro)
5) Candy candy (Iggy Pop)
6) Piccadilly (Erik Satie) Alexandre Tharaud
7) La statue retrouvée (Erik Satie) Alexandre Tharaud
8) Polar mood (Alban Darche et le gros cube)
9) Merry Christmas mister Lawrence (Ryuichi Sakamoto)
10) Corner painter (Tal Wilkenfeld)

+ lecture d'Etrennes bien reçue (Armand Silvestre) par Dominique Silvestre


Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/h%C3%A9l%C3%A8ne-lasse-davoir-parl%C3%A9-toute-la-journ%C3%A9e-la-petite-boutique-fantasque/
 

Sus aux Philistins !

dimanche 9 mars 2025

«L'hostilité boudeuse de Claire n'avait pas duré longtemps. Sa belle-mère si timide, si gentille avec tout le monde, n'avait eu de cesse de lui être agréable. Elle s'inquiétait de sa santé, de son sommeil ; évoquait avec amour la venue, maintenant proche, du bébé. Elle semblait s'oublier en permanence pour ne songer qu'aux autres. Jamais elle ne se plaignait, jamais elle n'évoquait son passé en Russie, les difficultés dans lesquelles elle se débattait depuis vingt ans, depuis l'exil. Pour Claire comme pour ses camarades, la princesse Sophie comme on la nommait affectueusement, était l’incarnation de la bonté.»

Mon enfant de Berlin. Anne Wiazemsky. Gallimard (2009)

Visionnage domestique toulousain (226)

 The wall. Alan Parker (1982)

«Les douze ou quinze première années du règne personnel [de Louis XIV] sont embellies par la joie que dégage cet homme jeune, sportif, galant -chasses, ballets, chevauchées, filles butinées-, qui aime le théâtre somptueux, brillant et même hardi -il soutint, presque seul, le premier Tartuffe, puis Condé prit le relais ; grand amateur de musique, guitariste habile, en partie formé par Marie Mancini, de musiciens aussi, qu'il sut choisir personnellement, et pas seulement Lulli ; chrétien attentif à la pratique, tiède encore dans la piété, et indifférent à toute théologie.»

Le siècle de Louis XIV. Pierre Goubert. Éditions de Fallois (1996)

lundi 3 mars 2025

«L'homme moderne cherche à renouer avec l'amour et la simplicité des sentiments. L'homme veut être ordinaire, affirme Claude Lelouch. Il veut aimer, jouir de la vie. Il en a jusque-là de Kierkegaard ! (Nouveaux rires et applaudissements.) Après des années de mascarades, de mines mensongères et de poses pleine d'affectation, il veut de nouveau être lui-même : être... un homme et ne femme !...»

Madame. Antoni Libera. Libretto (2016)

«Le shampooing-mayonnaise. Maman avait entendu dire que ça marchait sur les poux. Comme elle ne voulait pas envoyer Tessie à l'école avec les cheveux gras, elle avait attendu les vacances de Pâques. Mais ça tombait un 1er avril, alors elle avait repoussé l'opération au lendemain pour ne pas faire croire à une blague.»

Débâcle. Lise Spit. Actes Sud (2018)

dimanche 2 mars 2025

Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (80)

 

«Or partout où dominent les Jeunes-Filles, leur goût doit aussi dominer ; et voilà ce qui détermine celui de notre temps
 
Premiers matériaux pour la théorie de la jeune-FilleTiqqun. Mille et une nuit. (2001)
 
photographie de Patrice Picot

Visionnage domestique toulousain (225)

Zappa in Barcelona (1988)

Éblouissement des prémisses (72)

«Le corps aussi est une sorte de construction. Chaque semaine, je me présentais à la séance, jusqu'à ce que le professeur me demande pour quoi mes dessins ne montraient pas les modèles comme en réalité : nus. "On travaille bien d'après nature, ici ?" Je ne pouvais pas lui dire qu'une fois rentrée chez moi j'accrochais mes croquis sur le mur en face de la table et que c'était difficile de manger en tête à tête avec des sexes mous.»

Débâcle. Lise Spit. Actes Sud (2018)

mardi 25 février 2025

«Je regardais effaré, ces corps enlacés dans l'acte de copulation, me posant enfin la question que j'avais si longtemps refoulée en moi : était-ce une chose que je voulais faire avec elle ? Si tant est que cela fût possible, et et supposant de sa part une certaine dose de désir, d'initiative et d'hardiesse. Mais l'aiguille magnétique de ma boussole intérieure, de mon moi -de ce que je prenais pour moi, ce avec quoi je m'identifiais-, se comportait bizarrement. Elle n'indiquait pas clairement non (le nord dans le secteur bleu), mais n'indiquait pas non plus oui (le sud dans le secteur rouge). Tout affolée, elle oscillait avant de s'immobiliser au milieu entre les deux (comme si je me trouvais sur l'un des pôles.»

Madame. Antoni Libera. Libretto (2016)

lundi 17 février 2025

 «Manicamp sortait de la petite vérole ; Briord était fort joli et fort honnête garçon, mais trop respectueux pour la dame à qui il avait à faire ; ainsi quoiqu'ils ne fussent point chassés tous deux, il n'y avait que Saint-Romain qui eût le solide, tout âgé et tout laid qu'il était, mais la nature l'avait récompensé ailleurs et de plus, il payait en beaux louis les faveurs de la belle.»

 Mémoires. Comte Bussy-Rabutin. Mercure de France (2010)

 

PBF 2025.04 : La messe des petits crevés

 

Mercredi 19 février 2025 à 19H, la Petite Boutique Fantasque, une fois n’est pas coutume, nous propose une lecture qui a déjà été faite sur les ondes de la Radio Radio il y a quelques années. Mais Stéphane porte si bien la voix de Léon Bloy qu’il apporte encore plus dans sa lecture de la nouvelle tirée de Sueurs de sang, La messe des petits-crevés. Il s’agit d’une évocation de la guerre franco-prussienne de 1870 auquel Bloy a participé et qui l’a horrifié.

Programmation musicale :
1) I need you (Nick Cave)
2) Birds of paradise (Carla Bley)
3) Always crashing in the same car (David Bowie) Philippe Jaroussky
4) Bande annonce de Spectateurs (Arnaud Desplechin)
5) Les gauloises bleues (Yves Simon)
6) Barcarolle n°1 (Gabriel Fauré) Lucas Debargue
7) Impromptu n°1 (Gabriel Fauré) Lucas Debargue
8) This is a girl (Patti Smith)
9) L'Amérique pleure (Cowboys fringants)

+ lecture de la Messe des petits crevés (Léon Bloy) par Stéphane


Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/messe-des-petits-crevés-la-petite-boutique-fantasque/
Sus aux Philistins !

dimanche 16 février 2025

Visionnage domestique (223)

 
Eat that question : Franck Zappa in his own words. Thorsten Schütte (2006)

Réminiscence personnelle (82)

 «Je sais bien qu'il faut aimer avec respect pour être aimé ; mais assurément, pour être récompensé, il faut entreprendre et l'on voit plus d'effrontés réussir sans amour que de respectueux avec la plus grande passion du monde [...]»

 Mémoires. Comte Bussy-Rabutin. Mercure de France (2010)

 

Visionnage toulousain en salle (77) à l'ABC

 Le dernier souffle. Costa-Gavras (1025)

«L'obscurité gagne peu à peu la cuisine. Hilde continue de parler. Elle raconte la chute de Berlin, l'occupation par les Soviétiques ; la famine, la mort, les viols ; sa chance d'avoir survécu, ne pas avoir sombré dans la folie comme tant d'autres. Elle raconte encore le retour des hommes, leur refus d'entendre l'enfer enduré par les femmes ; le silence désormais imposé aux Berlinoises ; l'obligation qui leur est faite d'oublier. Elle s'exprime sans la moindre sentimentalité, sas se plaindre et sans haine, comme s'il ne s'agissait pas d'elle mais d'une étrangère. Roxanne et Claire l'ont écoutée en silence, sans jamais l'interrompre. Elles savent que tout cela est vrai. Elles ont compris d'instinct qu'elles ne devaient pas exprimer de la compassion sous peine de blesser Hilde, peut-être de l'humilier. Enfin Hilde se tait.»

Mon enfant de Berlin. Anne Wiazemsky. Gallimard (2009)

mercredi 12 février 2025

Sextine de la place Pinel

Rien ne se vit place Pinel
Qui ne soit versé dans le Kiosque,
Mis dans le parapluie discret,
Puis dans le corps des promeneuses.
Le Canipark, le Boulodrome
Rien qui n’aille en le monument.

C’est le secret du monument
Cette mêlée que crée Pinel
Par la grâce du Boulodrome
Que tout oppose au jeu du Kiosque
Qu’offrit la Ville aux promeneuses,
Aux braconniers du sens discret.

Rien de plus vif que le discret,
Qui voue sa voix au monument.
Il ne fuit pas les promeneuses
Qui ont le temps place Pinel,
Avec des chiens autour du Kiosque,
Et contemplent le Boulodrome.

Boules roulent au Boulodrome.
Les tilleuls ont parfums discrets.
Les voix s’incarnent dans le Kiosque.
Chacune s’étonne au monument
Que rien ne soit place Pinel
Dont ne rêvent les promeneuses.

Comme il aime les promeneuses !
Mais combien plus le Boulodrome,
Tout le pays place Pinel !
Il est l’explorateur discret
Le musicien du monument,
Par lui se multiplie le Kiosque.

Telle est la force de ce Kiosque
Plus vide que les promeneuses
Et parlant comme un monument
Où les sons se font boulodrome
Grâce à l’architecte discret
Montariol qui fit Pinel.


Tornada
Entre Kiosque et Boulodrome
Promeneuses, regards discrets,
Par Monument vibre Pinel.

 Marius Pinel

lundi 10 février 2025

Visionnage domestique (222)

Helpmate. James Parrot (1931)

31

 «Toutes les fois que ses projets ont pris le pas, sous l'influence de mes rêves, sur le niveau quotidien de ma vie , et que pendant un moment, j'ai cru voler haut, comme un enfant sur une balançoire, toutes ces fois-là j'ai dû redescendre avec lui au niveau du jardin public, et reconnaître ma défaite, sans drapeau hissé pour le combat, ni épée que l'on eut la force de dégainer.» 

[...]

Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo SoaresFernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)

samedi 8 février 2025

Réminiscence personnelle (81)

«Pendant ce temps-là, dans une autre contrée, connue sous le nom de Drittes Reich, où le diable avait également pris ses quartiers, une nouvelle meute de sorcières célébrait le sabbat. Des immenses places encadrées d'édifices gigantesques, une myriade de torches brillant dans la nuit, et là, les foules saisies d'extase collective, chauffées à blanc... Des haut-parleurs qui éructent des mots d'ordre exaltants : Lebenraum pour le peuple germanique, pour le Herrenvolk ! Le IIIe Reich durera mille ans ! Weg mit den Juden und Slaven ! Le monde nous appartient !
Et le rouge des drapeaux... comme in présage du sang qui allait couler à flots. Là-bas,le marteau et la faucille jaunes, et ici - les crocs noirs de la svatiska.
Et le monde pendant ce temps-là ? Et bien, il allait son petit bonhomme de chemin, indolent, insouciant. Les défilés, les divertissements joyeux, les orchestres de jazz... On ne voulait rien savoir. Rien entendre. Chacun était trop pris par ses propres psychodrames ou pieusement agenouillé dans les temples de l'art moderne. Et tout cela cerné de désespoir,comme imprégné d'un désir éperdu de mort. Quand je me retourne sur le passé, quand je revois cette époque, que je me revois moi-même, je me rends compte à quel point moi aussi j'étais contaminé. Les expéditions en montagne, la conquête des sommets, le voluptueux frisson du risque, le mont Blanc, le toit du monde -tout cela n'était qu'un fuite en avant. Une évasion dans l'air pur et raréfié, vers le soleil et le ciel bleu, vers les espaces lointains.»

Madame. Antoni Libera. Libretto (2016)

vendredi 7 février 2025

Visionnage domestique (220)

 

 
La sentinelle. Arnaud Despléchin ((1992)

Quelques Éléments supplémentaires de la Société du Spectacle (79)

«Identique en cela au malheur, une Jeune-fille ne vient jamais seule
 
Premiers matériaux pour la théorie de la jeune-FilleTiqqun. Mille et une nuit. (2001)
 
photographie de Lee Remick

Musique à Toulouse (23) avec Caroline et Laurie au Capitole

 

 
Orphée aux enfers. Jacques Offenbach (2024)

Réminiscence personnelle (80)

24

 «Je ne sais si c'est à moi seul que cela arrive, ou si c'est à tous ceux que la civilisation a fait naître une seconde fois. Mais il me semble que pour moi et pour ceux qui sentent la même chose que moi, l'artificiel est devenu le naturel, et c'est le naturel qui devenu étrange. Je bannis et déteste les véhicules, je bannis et déteste les produits de la science -téléphone, télégraphe- qui rendent la vie facile ou les sous-produits de l'imagination -phonographes, récepteurs hertziens- qui la rendent amusantes à ceux qu'ils amusent.» 

[...]

Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo SoaresFernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)

lundi 27 janvier 2025

PBF 2025.03 : La sextine de la place Pinel

 

Mercredi 29 janvier 2025 à 19H, la Petite Boutique Fantasque plonge dans une forme poétique peu connue, la sextine. Six sizains dont les rimes sont reparties dans un ordre différent dans chaque sizain. Marius Pinel pour cet exercice a pris comme thème la place Pinel.

Programmation musicale :
1) Léna (Bobby Lapointe)
2) La dentellière (Imago)
3) La boxeuse amoureuse (Arthur H.)
4) La belle promeneuse (Michel Rivard)
5) On a voulu la guerre (Gilbert Marquès)
6) Thérèse (Anne Sylvestre)
7) Tu disois que j'en mourray (Claudin de Sermisy / Clément Janequin) Ensemble
Clément Janequin
8) extrait de L'érotisme... hier... aujourd'hui... (1965)
9) La ballade des dames du temps jadis (Georges Brassens)
10) Dans nos vieilles maisons (La bottine souriante)
11) Mer et fils (Juliette / François Morel)
12) La petite vieille (La foire aux chapeaux)
13) Stardust (Hoagy Carmichael) Stéphane Grappely


+ Chronique de l'univers place Pinel n°47 : la sextine de la place Pinel

Pour ceux qui auraient piscine indienne, ou toute autre obligation, il y a une possibilité de rattrapage avec les podcasts de la PBF : https://www.mixcloud.com/RadioRadioToulouse/la-sextine-de-la-place-pinel-la-petite-boutique-fantasque/

Sus aux Philistins !

samedi 25 janvier 2025

Visionnage domestique (218)

Les fourberies de Scapin. Denis Podalydès (2017)

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 «Passent de futurs couples, passent les couturières bras dessus bras dessous, passent de jeunes garçons avides de plaisir, les retraités de tout fument, sur leur éternel trottoir, les pauvres hères qui tiennent boutique bayent aux corneilles sur le pas de leurs portes. Lents, forts et faibles, les conscrits marchent en somnambules par petits groupes, parfois bruyant, parfois plus que bruyants. Des gens normaux surgissent de temps à autre. Les automobiles par ici sont rares à cette heure, celles-ci sont musicales. Dans mon cœur, il y a une paix angoissée, et ma quiétude est faite de résignation.
Tout cela passe et rien de tout cela ne me dit quoi que ce soit, tout est étranger à mon destin, voire étranger au destin lui-même - inconscience, ronds dans l'eau quand le hasard y jette des pierres, échos de voix inconnues- la salade collective de la vie.»

Livre(s) de l'inquiétude : Vicente Guedes, Baron de Teive, Bernardo SoaresFernando Pessoa. Christian Bourgeois éditeur (2018)

Visionnage domestique (217)

 

Bertrand coeur de lion. Robert Dhéry (1950)

Éblouissement des prémisses (71)

«Les historiens se disputent pour désigner la bataille qui amena la fin de cette conflagration universelle. Certains (comme Dührich, Assbridge et surtout Morini) penchent pour une bataille qui aurait lieu quelque part près de Linz. À cette opération, relativement importante, prirent part soixante soldats appartenant à onze partis ennemis différents. La bataille se déroula dans la grande salle de l'auberge À la rose et le prétexte en fut la serveuse Hilda ( de son vrai nom Mařena Růžičkovà, née à Nový Bydžov). Le vainqueur fut un Italien, nommé Giuseppe, qui enleva Hilda ; mais comme le lendemain elle l'abandonna pour s'enfuir avec un Tchèque du nom de Václav Hruška, cette bataille, dans le fond, n'eut pas, elle non plus, un caractère décisif.»

La fabrique d'absolu. Karel Čapek. La Baconnière (2020)