«On fait dire au luth tout ce qu'on veut, et fait-on des auditeurs tout ce qu'on veut. Quand un brave joueur en prend un, et pour tâter les cordes et les accords, se met en bout de table à rechercher une fantaisie, il a sitôt donné trois pinçades et entamé l'air d'un frelon qu'il attire les oreilles de tout le monde ; s'il veut laisser mourir les cordes sous ses doigts, il transporte tous ces gens et les charmes d'une gaie mélancolie, si que l'un laissant tomber son menton sur sa poitrine , l'autre sur sa main, qui lâchement s'étend tout de son long comme tiré par l'oreille ; l'autre et les yeux tout ouverts, ou la bouche ouverte, comme s'il avait son esprit sur les cordes ; vous diriez que tous sont privés de sentiment, hormis l'ouïe, comme si l'âme ayant abandonnée tous les sens se fût retiré au bord des oreilles pour jouir plus à son aise de sa puissante harmonie ; mais si, changeant son jeu, il ressuscite ses chordes, aussitost il remet en vie tous les assistants, et leur remettant le coeur au ventre, et l'âme ès sentiments à qui elle avait été volée, ramène tout le monde avec abonnement,et faict ce qu'il veut des hommes .»
Essai des merveilles du monde. Michel Brenet. (1621)
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