«Ulrich appartenait à l'espèce des amateurs de livres qui ne veulent plus lire parce qu'écrire et lire leur semble monstrueux. "Si la très raisonnable Strasil veut qu'on la fasse sentir", songea-t-il ("En quoi elle a raison ! L'eussé-je contredite, qu'elle m'eût sorti triomphalement l'exemple de la musique !")... et, comme il arrive souvent, tantôt il pensait en mots, tantôt la réflexion agissait sur sa conscience sous forme d'objection tacite : si donc la sage Mlle Strasil veut qu'on la "fasse sentir", elle exprime un désir fort général : l'art doit émouvoir, bouleverser, récréer, surprendre l'homme, lui faire flairer de nobles pensées ou, en un mot, lui faire vraiment "vivre" quelque chose : l'art doit être "vivant", doit être une "expérience vécue". Ulrich ne songeait pas, d'ailleurs, à rejeter entièrement cet aspect.»
L'Homme sans qualités. Robert Musil. Editions du Seuil (1956)
L'Homme sans qualités. Robert Musil. Editions du Seuil (1956)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire