«Alors, en général, on a le choix entre être une fille et
être une héroïne – le genre d’héroïnes qu’on trouve dans les romans.
Mais je ne suis pas une héroïne non plus ! Une héroïne est belle – ses
yeux aussi bleus que la mer lancent des regards mystérieux par-dessous
ses paupières baissées –, elle avance en ondulant, son sourire éclatant
ensorcelle, elle tombe systématiquement amoureuse d’un homme – un
homme, obligatoirement –, elle mange des choses (que les romans appellent
toujours “des mets délicats”) avec un appétit d’oiseau, et dans les
grandes occasions, sa voix se remplit de larmes. Moi, je ne me livre à
aucune de ces activités. Je ne suis pas belle. Ma démarche n’est pas ondulante
– d’ailleurs je n’ai jamais vu personne onduler, à part peut-être
une vache suralimentée. Mon sourire éclatant n’ensorcelle personne. Mes
yeux, qui n’ont rien de commun avec la mer, ne lancent aucun regard mystérieux.
Je n’ai jamais mangé de “mets délicats” et j’ai un excellent coup de
fourchette. Et pour finir, ma voix, à ma connaissance, ne s’est pas encore
remplie de larmes.
Non, je ne suis pas une héroïne.»
Que le diable m'emporte. Mary MacLane. Sous-sol (2018)
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